Céline

Céline

C’est d’abord une force tranquilel, un énorme courage enseveli derrière le doute. Seule certitude de départ, un désir de mieux vivre, de mieux connaître, de mieux comprendre, l’animait.

Le désert fut un passage, un révélateur, un outil efficace pour devenir elle-même et la personne qui habitait son corps, sa vie, ses difficultés. Elle a jeté cette autre elle-même sur les pierres des Tamgak, sans remords, avec les troubles qui la gênaient pour se tenir plus droite, semblable aux baguettes de mqjorettes qu’elle manipule avec brio.

Au désert, elle assumait, marchait, avançait, sur sa propre route, délaissant un passé dépassé qui l’oppressait. Dans le sable, elle a choisi le droit de choisir, d’être, le droit de ne plus subir.

Sensible et généreuse, elle a su confier à un chameau ses dernières hésitations, lui donnant cette tendresse à revendre qui se dégage fortement d’elle même. Tu as grandi, Céline, et tu le sais. Reste forte, tu as bien commencé, non ? Les chemins qui vont s’ouvrir devant tes pas ne sont que ceux que tu décideras, désormais…

Alain Bellet


La peur du Ténéré

J’avais peur du Ténéré tout en me demandant ce que je faisais là, à tirer Amaroual, les pieds dans le sable. Quand je regardais devant moi, je ne voyais rien, juste un bout sans fin.

Je pensais alors que les Touareg étaient fous de traverser le Sahara. Je me posais souvent la même question: « pourquoi avons-nous une gourde et pas eux ? »

Un peu plus tard, je m’aperçus qu’ils buvaient en douce, certains chameaux portaient deux guerbas contre leur flanc et les nomades se servaient avec une térerte, une gamelle de fer.

En marchant, je pensais à ma famille tandis que moi, je traînais les pieds dans le sable. Je sortais de prison et j’étais libre de crever dans le désert. À ce moment-là, j’aurais aimé être en cellule bien que l’on s’y emmerde vraiment… Au Ténéré aussi je m’ennuyais. Nous étions nombreux tout en marchant, mais j’avais le sentiment d’être toute seule.

Le temps me semblait d’une lenteur immobile. Les jours étaient longs, comme si quelqu’un avait volé le temps. Tout en rêvant d’une glace « dame blanche », je pensais aux barreaux, le sable les remplaçait. Tout autour de moi, je voyais de l’eau imaginaire, sans arrêt j’apercevais des mirages. N’ayant plus d’eau dans ma gourde, je me disais, je vais pouvoir la remplir, mais au fur et à mesure que l’on marchait, l’eau disparaissait. Rita me disait alors: « c’est un mirage »…

Céline

 

Vaisselle miracle

Ce matin-là, les grosses gamelles noires m’attendaient, surtout l’énorme marmite pleine de graisse. Je criais contre moi mais cause toujours, tu m’intéresses ! Je savais bien que la vaisselle ne se ferait pas toute seule, à moins d’un miracle…

Hélas, le marchand de miracles était fermé ! La graisse collait aux gamelles et le soleil hésitait à me réchauffer.

Chaque matin, je recommençais à donner un coup de main aux Touareg pour aller plus vite, bien que le chargement des chameaux était bien plus long que la vaisselle…

Bay me regardait faire tout en me reprochant de ne pas mettre assez d’eau dans les gamelles. À ce moment-là, je le détestais. J’évitais son regard noir et son sourire un peu ironique. Je crois qu’il aimait regarder les autres travailler.

Ces matins-là, les mains dans l’eau glaciale, je comptais combien il me restait de vaisselles à faire jusqu’au jardin de Zakat…

Céline

 

Le sens de la vie

Mes peurs étaient morales et physiques. C’est-à-dire que je craignais de ne pas réussir cette épreuve. J’ignorais alors ce que je pouvais faire car je n’étais pas moi-même. Je n’avais ni sentiment, ni confiance dans les gens. Je ne demandais rien à personne et disais que je préférais me débrouiller seule, plutôt que d’être aidée par des gens que je ne connaissais pas.

Plus le temps passait, de jour en jour je m’approchais des personnes qui m’entouraient. La confiance commençait à venir. D’abord la confiance que je commençais à avoir à l’égard des autres personnes mais aussi la confiance en moi-même.

À chaque pas que je faisais, je m’approchais du but.

Mon but était de réussir à changer moi-même, à changer le sens de ma vie. Tout en sachant que je ne veux plus parler de mon passé car, pour moi, lorsque j’en parle, je remue le couteau dans la plaie…

Grâce  aux  Touareg,  j’ai appris le respect, la solidarité, et  j’ai compris comment cela se vit.

 

Avoir confiance dans un chameau

Malade mais se sentir toujours soutenue

Amaroual, confiant sur le sable

Réussir l’épreuve du Ténéré

Ouvrir son cœur aux autres

Un jour, j’y retournerai

Avoir une vie simple et tranquille

La vie est dans le désert, avec mon chameau

 

Céline

 


Suivre la route

Sidi nous montrait la route tout en ouvrant la porte. La porte de la montagne, celle de ma tête aussi.

Sidi avançait en compagnie de ses trois chameaux, confiant, solitaire.

Je me sentais en confiance, j’aimais mieux la montagne que le Ténéré. Pourtant, le Ténéré était plus doux au regard alors que les Tamgak étaient crochues, hostiles.

J’aimais marcher sur la caillasse et surveillais Amaroual pour qu’il ne tombe pas.

Je me sentais plus sereine en montagne que dans le Ténéré. Dans les grandes dunes, ma tête était dans les nuages, avec ma fille… Mais, lorsque l’on s’enfonçait, je perdais mon souffle, je m’épuisais et mes pensées s’envolaient comme dans un tourbillon de sable…

Sidi nous montrait la route, ma route vers l’avenir. Le désert nettoyait le noir de ma tête. Il chassait les orages qui étaient en moi, il me permettait de mieux vivre dans le désert et après…

J’avançais avec Sidi, l’ombre noire qui ouvrait les portes de ma vie, l’ombre noire qui refermait à double tour les portes du passé.

Sidi me montre la route, il ferme aussi la porte du tribunal et celles des cellules, une fois pour toutes…

Non, je ne veux pas oublier le désert, cette non-vie qui m’a fait revivre. Je ne voudrais pas oublier le désert, il me permet de réfléchir encore aujourd’hui …

Céline

 

Vivre avec les femmes Touareg

Un soir, en allant chercher de l’eau avec Raïcha, je vis que ses claquettes étaient cassées et cela me fit rire. Elle se retourna en me regardant, se demandant ce qui se passait. Je dis claquettes, mais elle ne comprenait pas le français. Je lui montrai et elle se mit à rire, tout en marchant.

Arrivée à l’érès, je prenais un bidon, Raïcha attrapait la térerte pour verser de l’eau. Nous ne parlions pas mais, d’un seul coup, elle se mit à crier: Céline, Céline! Effrayée, elle reculait. Je me demandai de quoi elle avait peur et me rapprochai de l’eau . Un crapaud, c’était juste un crapaud! Je pris la tasse et l’enlevai.

La fille s’approcha du batracien lorsqu’il s’enfuit, en passant sous ses pieds. Elle hurla. Depuis cet instant, nous fûmes très proches toutes les deux, la fille magnifique aux cheveux noirs et la blonde du nord. Téma, la sœur de Raïcha, est très jolie aussi, mais je me sentais moins proche d’elle.

Je pense que les femmes Touareg sont très belles. Elles sont heureuses, surtout lorsque les hommes ne sont pas encore rentrés au campement. Une fois qu’ils arrivent, les femmes ne parlent plus, ne rient plus. Elles répondent juste quelques mots lorsqu’ils leur posent des questions sur ce qu’elles ont fait dans la journée. Cela m’étonnait beaucoup.

Les femmes sont plus réservées en présence des hommes. Ce qui m’a aussi surprise, c’est que les hommes étrangers à la famille ont le droit de rendre visite aux femmes si leur mari est là. Autrement, ils n’ont pas ce droit. Par contre, les cousins ou les frères peuvent venir les voir, même si les maris ne sont pas là. Ils sont de la famille et leur loi les y autorise.

J’aimais beaucoup le respect qu’ils donnaient à leurs ancêtres. Leur religion et leur tradition qu’ils respectent beaucoup leur donnent leurs règles de vie.

En France, les jeunes femmes choisissent leur mari, si elles sentent qu’elles sont bien avec lui, lorsqu’ils sortent ensemble, puis ils se marient. Ici, ce sont les parents touareg qui choisissent les maris ou les femmes de leurs enfants. Eux, ils s’expriment avec la tradition des tapis.

Deux tapis sont posés sur le sol, celui de l’homme et celui de la femme. S’ils se plaisent, s’apprécient, ils peuvent rapprocher leurs tapis l’un de l’autre, peu à peu, jour après jour. S’ils ne s’aiment pas, ils peuvent s’éloigner et reculer leur propre tapis de celui du fiancé ou de la fiancée. De cette manière, les jeunes acceptent ou refusent les souhaits des parents et ceux-ci en tiennent compte.

Céline

 

Je ne vous oublierai jamais

Grâce à vous, j’ai réussi à avancer Grâce à vous, je n’ai pas eu peur,

Grâce à vous, croyant être seule, j’ai trouvé un ami Grâce à vous, maintenant j’ai un but

Grâce à vous, je n’ai pas oublié l’équitation Grâce à vous, je me suis rapprochée des Touareg Grâce à vous, j’ai appris à vivre

Grâce à vous, j’ai appris ce que veut dire respect Grâce à vous, j’ai appris ce que veut dire confiance Grâce à vous, maintenant j’aime la vie

Grâce à vous, j’ai davantage de courage Grâce à vous, je n’oublierai pas ce voyage

Monsieur Amaroual,

Je ne vous oublierai jamais

 

Céline

 

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