Changer je n’y crois pas !
À quoi ça sert tout ça, de toute façon je suis coincé dans ma vie de merde, ma cité…
Nordine refuse de percevoir l’idée même d’un changement. Son environnement n’a pas changé lui, le rejet social non plus… Le regard planté sur le sol, il évoque les Touareg, sans les idéaliser, reparle de son voyage comme d’une belle parenthèse inutile.
Ses repères restent en place et la culture de l’argent facile lui semble l’unique perspective pour ne pas disparaître. Son regard sur le monde est sans concession, la place qui lui est faite appartient à la fratrie revendiquée, sans échappatoire. Il est des déshérités, des rejetés et seuls les délits successifs se conjuguent. « Ma vie de merde, c’est la mienne ! » répète-t-il comme pour refuser de voir émerger d’autres routes.
Changer, à quoi bon, dit encore ce garçon en colère contre le monde, hurlant d’injustice.
Nordine baisse les bras et croit se battre, il avance en terre piégée sans s’offrir de protections, sans baliser le sentier. Les yeux baissés, il semble abdiquer, baisser sa garde face aux évidences. Mais bouge, transforme ta colère en moteur interne, chasse ta morosité, ne reste pas enchaîné à cette fatalité des quartiers mortifères.
Bon vent garçon ! Éloigne l’avenir-prison de ta route, quitte la grisaille qui t’habite…
Alain Bellet
L’étoile Rouge
L’étoile Rouge devant ma face, un diplôme demeure
Pour elle et rien pour moi, mon honneur
S’efface peu à peu, chez nous, les cœurs
Se glacent très tôt…
La peur se tasse
Pour un rien les frères se fracassent
Les patates volent les mauvais coups s’enchaînent
Comme cette chienne
De vie habituée au vacarme
Mes pieds dans les flaques
De pisse, ma cité craque
Dans les blocs, les appareils nous braquent
Cash sous bloc
C’est donc ça nos vies
Maudit, mon peuple survit
La vie de Lucifer
Laisser faire
E ça monte en paperasse.
J’écris, je prie
Pour fuir les soucis
Comme les petits frères fuient,
Devant les képis
L’esprit embrasé s’éteint seulement avec du liquide.
Nordine, je suis loin d’être passif, je vis,
Alors quoi c’est donc ça nos vies ?
Putain, dire que l’affection était une famille
Vingt ans déjà, on boit la 16 et des sachets smecta
La clique fout le souk
Avec des plaques zetla, ville côté cour
France, côté merde, épie
Les couleurs du tableau sont cadrées.
C’est donc ça, nos vies?
J’apprends à perdre, mec
Chaque jour les mêmes merdes
En face du protocop
Les ganaches de salopes
Sales petits potes
Ça fume dans les blocs
Les flics zooment,
On fume la yesyes, pour l’occasion de fermer la foule
Après, je te coupe la raison des sens,
Sauve et sève sous la pression, tu finis par estanquer tes potes…
Alors, ne t’attendons pas pour te péter aux premiers pas dans nos couloirs,
Chouf derrière danger, tchek, tchek,
C’est le Samu, dans le bloc opératoire,
On t’annonce que tu ne marcheras plus.
Sous le bloc, le tox est à l’heure,
Bouffé dans la naisse, petit frère serre, serve, sur ton malheur.
Dans cette histoire qui récolte et qui sème
S’ils ne peuvent t’avoir, ils auront ce que tu aimes
Mais il y a impasse dans l’impasse
Du gaz dans les poches de la naisse…
Cache, cache avec les Schmidt, se jettent dans le H H
La N N augmente, nous aussi on bute un colleur d’affiches
Pour l’exemple, à l’école, ouais, on se tape
Et l’on tape des couchcas et des crans
Crever les cons, crever l’écran…
Après, la soif devant les tasses nous aveugle, on tue des gens
De notre condition, à cette vie d’adulte pourrie
Pour qui compte ici
C’est donc ça nos vies?
Vingt ans déjà on boit la 16 et des sachets smcta,
La clique fout le souk avec des plaques zetla, VIIe côté cour, France côté merde épie
Les couleurs du tableau sont cadrées
C’est donc ça nos vies?
Tic-tac, compte à rebours entamé
Un gardien tranché, Verdun du XX siècle,
Combien s’en sont tirés, des sacs de vies au desert ?
La vie n’est pas facile dans le topo
Dans le moral, le troupeau
Mène une vie difficile, sans âme, la cour n’a plus d’ âme ,
Le béton pousse aussi vite que le marbre, c’est glacé, où sont les flammes ?
On baisse les bras, on retrousse les manches
La machine s’enclenche
Le temps passe maté par l’ange
Déjà tu fais la manche,
Trancher dans le vif, seule issue, sacrifier des porcs
Ça casse l’envie des CRS de bouger, détonateur armé
3 2 1, partie terminée …
Vient la nuit, puis notre journée
Invisible, personne ne nous empêche de magouiller
Impalpable, à croire qu’une image peut se castrer
Pourtant on les comptait et on les a oubliés
Seul Dieu sait que verser de l’eau sur une pierre gravée
Ça ne la fait pas pousser…
La soif de vie rend fous les minos
Finies les mano à mano
Sous les préaux, maintenant c’est le pruneau dans le cerveau
Le manque d’argent pèse, les gosses deviennent acides
Des potes s’arnaquent
Ou se braquent
Dès que le jour se dévie, les murs finissent par craquer
Les jeunes finissent au Parquet, les dealers ont craqué
Le crack finit par entrer
Le père s’écroue pour le profit, finir ainsi
C’est donc ça nos vies ?
Vingt ans déjà on boit la 16 et des sachets smecta
La clique fout le souk avec des plaques zetla
Ville côté cour,
France, côté merde, épie,
Les couleurs du tableau sont cadrées, c’est donc ça nos vies
Nordine