Vincent

 

Vincent, en quête de tendresse

Ses gestes, la posture de son corps, le regard qui hésite, les mots qui se cherchent parfois, tout est là pour désigner la route nécessaire de la confiance en soi restant à conforter, à poser comme la clé magique d’un bonheur à construire, d’une vie heureuse à ébaucher.

Vincent n’est pas un guerrier sans cervelle ni affectivité. C’est un sensible, un ultra sensible de la grande famille des tendres.

Il est tout en nuances, des couleurs  pastels, de l’émotion à revendre, attentif à la nature qui l’entoure. C’est là que ses désirs de campagne et de métier à la ferme prennent toute leur source.

Il m’a montré le sable rapporté, les fleurs et les feuilles du désert qu’il a rassemblées pour l’ébauche d’un premier herbier. Il ne cesse de redire la beauté des paysages traversés, d’écrire avec difficulté les traces d’un passé d’avant-hier à dépasser, d’évoquer la tristesse de sa mère occasionnée par sa façon de vivre. Vincent se sait encore en équilibre instable, tourmenté par l’angoisse de ne pas trouver de travail, celle de mal vivre, de mal finir. « Comme un verre à pied, je me sens encore fragile», avoue-t-il sans fard ni effet de manche.

Alain Bellet

 

Le sable des grandes dunes

Ce qui m’a le plus étonné, ce sont les dunes, et ce n’est que du sable. Je n’avais jamais vu quelque chose comme ça!  C’était  bien  rare que quelqu’un passe ici. C’était beau, c’était propre et seuls les  orages avaient marqué le sable.

Là-bas, je repensais à mes copains, à ma mère, mes frères et sœur. Je  me posais la question de ce que j’allais devenir plus tard. Je me sentais bien dans  cet espace, libre, vide, personne ne me prenait la tête. C’était la liberté et je n’avais jamais ressenti cela.

Tu es seul, pourtant, parfois, les autres me dérangeaient et je partais dans un coin pour découvrir des paysages, réfléchir, en égrainant du sable dans le creux de ma main. Il ne reste jamais là, il coule, coule, si fin aux doigts.

Je repensais à mes journées avec mes copains, on rentrait, on sortait, on repartait, je dormais peu. Ma mère me parlait mais je m’en foutais, je ne l’écoutais pas. Elle pleurait. Le soir, elle m’attendait, ne dormant pas, inquiète.

En regardant le sable, je repensais au jour où la BAC m’avait arrêté, le vol, la voiture, le pylône, les bracelets de fer, les coups. Du haut des dunes, je revoyais cette époque et tout ce qui m’avait conduit au Sahara. Le sable ou la tôle? J’avais dit le sable…

Maintenant, il me tarde de revoir ma famille, surtout depuis que j’ai entendu la voix de ma mère au téléphone.

Dans le désert, il n’y avait pas de voix, j’étais seul en regardant les Touareg faire la tagala, le feu allumé dans le sable.

Vincent

 

Des gens vivaient là-bas …

Je ne savais pas que des gens vivaient là-bas. Quand je suis arrivé au désert, ça m’a fait bizarre, ils dormaient dehors.

J’ai vu un vieil homme assis dans le sable, lui et les autres Touareg mangeaient à six dans un plat, tous ensemble d’un côté et nous dans  un  autre.  Quand nous mangions, les bagages étaient autour des Touareg.

Le lendemain, nous sommes allés chercher les chameaux, les Touareg ont accroché les bagages et nous sommes repartis tout doucement. Trois mètres plus loin, Daniel a fait une crise et il est monté sur un chameau avant de repartir. Je me souviens, nous nous sommes arrêtés pour manger, le soleil tapait dur et nous avons installé la tente touareg. Daniel s’est allongé. Le repas arrivait, nous avons mangé de la pastèque et nous nous sommes reposés.

Je me souviens que Daniel a commencé à manger avec les yeux fermés. Rêvait­ il à la France, à ses parents ?

Vincent

 

Je ne serai plus un chacal

J’entends encore Boubakar chanter, je l’entends tout le temps, comme en caravane ou en partant avec lui, vers son campement… Nous  ramenions  du mil. Je le trouvais différent des autres Touareg. Il ne se comportait pas de la même manière, il est curieux des gens. Cet homme est toujours dans le travail, il a toujours quelque chose à faire, arranger les claquettes des jeunes, s’occuper des chameaux, faire des nœuds pour les bagages, arranger un sac cassé…

J’entends encore Boubakar chanter, cela me rend heureux, sa voix m’accompagne. Elle va m’accompagner maintenant, pour me donner du courage. C’était un homme, un Touareg, il me montrait ce que  faisaient  les gens de son peuple. Boubakar n’a jamais peur du travail et pourtant, il savait qu’au désert, c’était plus dur qu’en France.

Le matin, quand j’allais chercher du bois avec son fils, je lui al montré à attacher des branches ensemble et à les porter à deux au lieu de tout porter sur l’épaule…

J’entends encore Boubakar chanter, et quand je vais chercher du travail, sa voix va m’aider à être différent, à ne plus faire pleurer ma mère, à la rendre heureuse, rester avec elle… Pour lui, les voleurs, ce sont les chacals et je n’ai  plus envie d’être un chacal. Boubakar et les Touaregs ont horreur des mensonges et des menteurs et je ne veux plus avoir de raison de mentir.

Boubakar chante pour moi et quand je le revois tresser ses ficelles et ses cordes avec ses mains fines, je sais qu’il tresse mon chemin pour le suivre demain…

Vincent

 

Les  épines de la vie

Boubakar coupait l’arbre avec sa tacouba pour l’ami Efitel qui se reposait en paix. Je le regardais couper l’arbre épineux. Boubakar était un homme fort, avec lui, on se mettait autour de l’arbre pour s’allonger et pour manger puis on repartait tout de suite.

Ici, au gîte en Ardèche, je me sens bien, pourtant, parfois je ne suis pas bien. On travaille beaucoup, j’espère que je vais rentrer chez moi, j’espère avoir un travail et rester près de ma mère. Je recommence une nouvelle vie. Je ne veux plus aller au tribunal, mon épine à moi, j’y repense toujours, au tribunal !

Hélas, je dois bientôt repasser devant les juges et je ne sais pas ce qu’il  va m’arriver…

Vincent

 

 

 

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