Cédric

De sa culture des rues et de la débrouile, il a su conserver un sens aigu de l’observation. Attentif à ce qui l’entoure, il guette, surprend et analyse. Le jeune Lorrain d’origine algérienne porte sur les choses un regard incisif, tout comme sur lui-même, analysant et dénombrant ses manques.

Avide de connaissances, il glane, de-ci de là, une information, une histoire, un élément à glisser dans le grand puzzle d’un savoir qu’il veut compléter. Quittant la prison pour le sable, il a peur de retomber, de connaître à jamais le cycle infernal qui peut conduire rapidement à la mort. Alors, déterminé, il veut se tisser des toiles de survie, se réaiguiller ailleurs, troquer son quartier pour un coin de nature, travailler pour respirer à jamais la liberté.

Au désert, entre résistance et résignation, Cédric s’est tracé le chemin des enjeux, une route contractuelle pour sortir des ornières. Il sait bien que l’épreuve est délicate, que les pièges s’accumuleront autour de lui. Il sait bien que dire non un instant sera un oui magistral pour une vie plus heureuse.

N’abandonne pas ta gentillesse, elle fait aussi partie de toi-même …

Alain Bellet


Aimer ce pays et sa bonté

En vérité, j’aimais bien le Niger et quand tu arrives dans une guelta, c’est magique! C’est superbe, tu es plongé dans la nature. Sans mentir, j’aimerais bien y retourner, j’ai laissé des gens bien, là­ bas, comme les enfants de Bachar…

Moi, plus tard, j’aimerais ressembler à un homme  comme Boubakar ! C’est un guerrier, un homme qui aurait pu vivre autrefois, dans n’importe quelle période, au moyen âge, en 1400… Boubakar, c’est un Ancien, tu as confiance en lui…

J’aimais parler avec Bachar… Il me faisait rire avec son langage coupé moitié français, moitié tamasheq.

Maintenant, la première chose qui me vient à l’esprit, c’est d’abord de respecter la nature. Je prends plaisir à voir les arbres, les fleurs. Je veux travailler en France. Après, avec l’argent, j’irai chez moi, en Algérie.

Dans tout le voyage, j’ai préféré le temps passé dans les campements avec les familles. Je n’aime pas trop la brousse, c’est très beau, mais il n’y a rien. Moi, j’ai quand même besoin de bruits familiers de temps en temps, une moto, une voiture.

Ce qui m’a étonné là-bas, c’est que les femmes rigolent du matin au soir. Ici, elles s’embrouillent pour un rien, les feuilles de sécurité sociale, les papiers… Au Sahara, les Touareg sourient souvent, ils semblent ne pas avoir de problèmes.

Cédric

 


La valeur d’une vie, de la vie

 C’était sympa, mais la bouffe de Bay, c’était la misère!

Les jours se répétaient sans cesse dans la marche de fou que l’on a faite, mais dans les familles, ce n’était pas pareil ! Je gambergeais moins dans ma tête, je bougeais plus, en faisant autre chose, aller au puits, soigner les bêtes…

Jour après jour, j’appréciais de mieux en mieux le désert, les Touareg et l’air pur de cette liberté que je cherchais depuis longtemps. Beaucoup se plaignaient parmi les autres jeunes, pourtant moi, rien ne me manquait de la France, sauf ma famille. Mais j’ai failli mourir, là-bas…

J’étais à chameau dans les montagnes. Au ras des falaises, nous passions, Arali et moi, pour aller chez Bachar.

Plusieurs semaines auparavant, dans le Ténéré, tout le monde s’en souvient, j’avais la rage. J’étais complètement séché, pendant deux jours. Je ne voulais pas crever au Niger! Je priais, je me disais, qu’est-ce que je fais là, il n’y a rien ici… Je ne voyais que du sable, parfois on perdait les traces… Un matin Idir et moi sommes partis chercher les chameaux, très loin. Ce jour là, en revenant vers le camp, nous nous sommes perdu. Nous n’avions pas d’eau, fatigués, nous devenions fous. La veille déjà nous avions raté le petit déjeuner et laissé partir la caravane. Nous n’avions rien bu ni mangé pendant plus de huit heures… Seule un peu d’eau noire de guerba nous a permis de reprendre des forces pour rejoindre la caravane qui nous attendait à quelques heures de là. Jamais je ne referas la traversée du désert dans ces conditions !

Les Touareg savaient s’occuper de nous quand il fallait et comme il le fallait. C’étaient des gens bien. Pourtant, à la fin du voyage, certains d’entre eux ne m’ont plus regardé lorsqu’ils avaient touché leur argent, puis ils partirent…

Aujourd’hui, je ne sais pas encore ce que ce voyage m’a apporté mais j’aime mieux la nature, j’ai compris que c’est de là qu’on vient et tout le monde en France continue la pollution sans faire attention… Je ne sais pas qui a fait tout cela, mais ce sont des imbéciles, peut-être que c’est la société française, ce n’est pas bon, tout ça… Maintenant, je connais la valeur d’une vie, de la vie.

À l’avenir, je vais essayer de gérer ma vie sans trop de problèmes, face à la société. Je crois que ma devise sera de faire plaisir à ma famille, de trouver un travail, aussi…

Quand j’étais rentré du désert de Tunisie, mes parents avaient cru que ça m’avait fait changer. Malheureusement, je suis vite retombé dans les mauvais délires. Je crois que je n’avais pas su saisir ma chance. On m’en a donné une autre qui, j’espère, va m’aider. J’ai senti que ma famille était déçue quand je suis retombé après la Tunisie, maintenant, je compte trouver un travail et, avec mes parents, j’improviserai, une fois sur place.

Je veux prendre une bonne voie et faire certains sacrifices. Je veux sanctifier mon être, changer mon temps, sortir du béton, changer ma vie… Tout ça sera une nouvelle conception de vie, pour moi, peut-être que ma famille sera enfin fière de moi…

Cédric

 

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